Je sens que rien que le titre va provoquer des montées d'adrénaline chez mes collègues chasseurs au gros. Alors avant d'aller plus avant, sachez que c'est une boutade. Néanmoins que se passerait-il si ce monument de la chasse ne l’était justement plus? Je vais essayer, je précise essayer, d'analyser les causes et conséquences de cette proposition. Alors avant de vous emporter, relisez tranquillement cet article et posez vous objectivement les questions, vous verrez, tout n'est pas tout blanc ni tout noir.
A titre personnel, je n'ai jamais vu un gibier qui procure de telles sensations au chasseur, ni aucun qui produit de telles rancunes, de telles engueulades et de telles polémiques. Pas plus que je ne connais aucun autre gibier qui puisse rassembler autant de volontaires désintéressés pour faciliter son développement.
Bien que, pour avoir vécu à de nombreuses reprises les battues où surgissent les bêtes noires, je vous prie de croire que j'ai rarement ressenti une telle montée d'adrénaline. Une fois la battue terminée, on ne pense qu'à recommencer. C'est ca, le sanglier. Ca prend physiquement aux tripes.
Le sanglier c'est le pied au petit matin, le casse croute à la cabane, la meute de courants qu'on lâche et qui nourrit de ses récris la forêt endormie, c'est aussi le tir de l'animal de chasse le plus puissant, le plus rusé, le plus « sauvage ». Le sanglier, ici, dans le nord de la Saône et Loire aux portes du Morvan, c'est sacré. Ses amateurs ne l'appellent pas sanglier mais cochon, marque extrême de respect pour eux. Sa présence déclenche une folie chez les hommes qui en oublient tout pour partir le traquer, alors que somme toute ce n'est qu'un goret poilu.
Il est bien loin le temps des vrais sangliers sauvages qui réunissaient plusieurs sociétés de chasse pour le traquer, on assiste maintenant à un agrainage systématique, soit disant pour éviter les dégâts aux cultures...Mon œil, la vérité est que le cochon, mieux vaut le fixer chez soi que chez les autres. Alors on en dépense du maïs, et les sangliers l'apprécient tellement qu'ils en deviennent gras, pire que des porcs de fermes.
Le gras de sanglier c'est ma foi excellent pour faire la cuisine et ça ne gâche pas la viande, pourtant on peut supposer qu'il aurait couru plus longtemps s'il avait été moins gras.
Logiquement il est interdit de l'agrainer à place fixe à partir de l'ouverture, je n'en connais pas beaucoup qui le font, d'ailleurs je ne crois en connaître aucun. Mais bon, il ne faut pas trop l'ébruiter, d'ailleurs tous les autres le font.....(paroles d'un président entendues à de multiples reprises).
Pourtant plusieurs objections ressortent à ce type de chasse:
La chasse du sanglier obère toutes les autres. Quel chasseur posté au pigeon n'a t'il pas reçu la remarque que ses coups de fusils faisaient fuir les cochons voisins ? Et alors, les cris de chiens et des traqueurs font bien fuir les pigeons, non ?
Tout ceci pour dire qu'une battue de sanglier, c'est vingt gars énervés qui ne connaissent ni les limites ni les règles de politesse, je l'ai personnellement vécu à plusieurs reprises.
Essayez, au sein de votre société de chasse au gros, de demander un jour de chasse à la bécasse. Chez nous c'est Niet, « t'es pas fou, tu vas déranger les cochons avec tes ouilleaux! » alors que l'action de chasse est généralement prévue pour tous gibiers, Idem pour les bagues de chasse à l'approche d'été du chevreuil. Les sangliéristes ont pris le pouvoir et vous n'avez plus qu'a vous taire ou à partir.
Le développement du sanglier se fait au détriment des autres gibiers, c'est réel. Plus personne n'agraine le petit gibier, de moins en moins de chasseurs sont prêts à arpenter les prés humides pour tirer des bécassines ou des grives. Tous ici, presque, ne vivent que pour le cochon.
Alors comment dans ces conditions tenter d'aménager une chasse au petit gibier quand les voisins ne tirent même plus les renards en battue ?
Auparavant, la chasse était familiale, simple. Les terrains étaient entretenus par les chasseurs locaux qui remettaient du lapin, piégeaient les nuisibles, chassaient en fonction des saisons. Maintenant on attend patiemment le samedi pour aller à la cabane. Il est vrai que l'ambiance qui y règne invite à y retourner le plus souvent possible. On casse la croute entre copains, on boit un coup, on ne parle que de chasse et on attend avec impatience le retour des « pisteurs » partis faire le pied et qui orienteront la future battue.
C'est aussi pour beaucoup le moyen de renouer un lien social, de retrouver ses copains, de jouer aux cartes jusqu'au soir, de s'échapper de son foyer où la M'man vous casse les oreilles avec son aspirateur. A la cabane, vous n'avez pas à poser les bottes à l'entrée, vous pouvez donner la peau du saucisson au chien, vous pouvez boire et fumer, jurer, péter et roter à table sans aucune désapprobation de votre entourage. C'est enfin l'occasion de faire des tours de 4X4 dans une nature sauvage qu'on s'est approprié. D'ailleurs en battue on domine la forêt, en chasse solitaire on en devient une partie, c'est là toute la différence à mes yeux.
Parallèlement, l'intérêt économique des sociétés de chasse prévaut. Celles de mon secteur sont quasi toutes basées sur le sanglier. Les locations de forêt domaniales atteignent des sommets (injustifiés à mes yeux vu la faible densité), le prix des actions avoisine les 1000 euros pour une vingtaine de sangliers et une trentaine de chevreuils par chasse. Les chevreuils en deviennent méprisés, on les qualifie de « biques »et on se rabat sur la « bique » lorsqu'aucun cochon n'est découvert.
Si par hasard, les sangliers désertent la chasse, on accuse les voisins de mettre du répulsif et on quitte cette chasse « mal gérée ». Que faire si vous êtes président et si vous vous êtes endettés de plusieurs milliers d'euros ? Et bien vous faites un lâcher, vous n'avez pas le choix. Bien sûr c'est interdit, mais lâcher une mère pleine qui mettra bas sur la chasse permettra de conserver une population.
Y'a t'il des solutions, surtout que dans notre massif, les sangliers sont chassés tous les jours de la semaine à tour de rôle ? Ceux qui chassent le dimanche les poussent sur ceux qui chassent le lundi etc, etc...
le sanglier ne peut pas se développer, il est trop chassé, donc il faut lâcher, CQFD.
En chasseur responsable (si, si, il y en a encore quelques uns !), il conviendrait de règlementer encore plus sa chasse. Plus de poids minimums, de bracelets...qui comme chacun l'a remarqué mène à une augmentation des densités. Malheureusement cette augmentation apporte son corollaire de dégâts, que chaque chasseur paye (même celui qui ne tire que la grive). Désormais on entend parler de battues administratives au sanglier, un comble quand on se voit refuser l'attribution de bracelets (eh oui, c'est déjà arrivé si vous n'avez pas une certaine surface de bois d'un seul tenant !).
La seule solution qui me vient à l'esprit c'est arrêter ces bracelets et ces poids minis et maxi et laisser les chasseurs de sangliers se débrouiller entre eux. Lorsqu'il n'y en aura plus, ils feront des lâchers et géreront seuls leurs territoires, c'est d'ailleurs ce que la plupart demanderaient.
Il s'agit d'une utopie qui va à l'encontre de toutes règles actuelles de la chasse et pourtant on le fait bien pour les faisans et les perdrix ?
A titre personnel, je ne veux pas d'une population de sangliers qui s'établisse sur notre chasse. Ils retourneront les prés, les agriculteurs m'en voudront, les voisins déborderont et solliciteront les propriétaires...Et ensuite ça commencera, il ne faudra plus chasser le petit gibier par ici pour ne pas déranger les cochons.......
Dernière solution, arrêter la chasse au sanglier pour voir. Alors chiche, on arrête de chasser le seul animal nuisible dont on doit déclarer les jours de chasses, situation ubuesque. On arrête ces bagues et ces poids qui conduiront à terme à une explosion des populations donc des dégâts. On arrête le tir de ces cochongliers enrobés de saindoux. On condamne toutes les chasses privées à déposer le bilan ? On stoppe toute l'économie de la chasse au gros, 4x4, chiens, croquettes, maïs, vétérinaire....
Mon œil ! Il y a de quoi enflammer le pays en faisant ça.
J'ai un rêve pour satisfaire tout le monde, le rêve que chaque chasseur possède une action pour le gros et une pour le petit. Que la chasse au gros ne soit autorisée que deux jours par semaine (comme maintenant) mais deux jours imposés et les mêmes pour tous et que les cinq autres soient réservés au petit.
Finalement, c'est trop compliqué, il n'y a pas de réponse correcte au titre de cet article. Je laisse aux fédérations le délicat boulot de régenter tout ça. J'appréhende désormais mieux la difficulté de leurs missions. Vouloir faire de tout ce petit monde, bécassiers, chasseurs aux gros, chasseurs à la billebaude, une seule entité me semble un travail des plus ardus.
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